Baudrin Yvart Boulogne-sur-Mer, 1611 - Paris, 1690 La Sculpture travaillant au buste du roi Louis XIV Huile sur toile Une étiquette portant le numéro '184' sur le cadre en bas à droite The Allegory of Sculpture working on the bust of Louis XIV, oil on canvas, by B. Yvart h: 193 w: 130,50 cm Provenance : Morceau de réception de l'artiste à l'Académie royale le 11 août 1663, le tableau sera finalement livré en 1666 ; Mentionné dans l'Inventaire des tableaux appartenant à l'Académie royale de Peinture et de Sculpture fait et donné par messieurs les académiciens à leurs réceptions… réalisé en 1682 par de Sève à la demande de Beaubrun, sous le n° 40 (ENSBA, Ms. 37) ; Fait l'objet d'une conférence à l'Académie royale par Guillet de Saint-Georges lors de la séance du 4 mai 1686 ; Mentionné en 1715 dans la 'Description de l'Académie royale' de Guérin dans la "salle séparée des autres" : "un tableau de 5 pieds sur 4. représentant la Sculpture, la masse et la pointe en main, travaillant au buste du roi Louis XIV.(...) Plusieurs vestiges de l'art antique gisent aux pieds de la Sculpture, comme si ce génie personnifié avait conçu le dessin de s'inspirer de ce que l'antiquité présente de plus excellent pour perfectionner le portrait auquel il travaille" ; Mentionné en 1781 dans la 'Description sommaire (...)' de Dézallier d'Argenville parmi les oeuvres exposées dans la Galerie d'Apollon "vis à vis des fenêtres" ; Disparu lors de la Révolution française Bibliographie : Nicolas Guérin, 'Description de l'Académie royale des Arts de peinture et de sculpture', Paris, 1715, p. 209-210, n° 2 [Antoine-Nicolas Dezallier d'Argenville], 'Description sommaire des ouvrages de peinture, sculpture et gravure exposés dans les salles de l'Académie royale', Paris, 1781, p. 77 'Archives historiques et littéraires du Nord de la France et du midi de la Belgique', Valenciennes, 1850, p. 361 Philippe de Chennevières, Eugène Daudet et Anatole de Montaiglon, "Sujets des morceaux de réception des membres de l'ancienne Académie de peinture, sculpture et gravure. 1648 à 1793", in 'Archives de l'Art français', Paris, 1852-1853, p. 391 Louis Dussieux, Eudore Soulié, Philippe de Chennevières, Paul Mantz et Anatole de Montaiglon, 'Mémoires inédits sur la vie et les ouvrages des membres de l'Académie royale de peinture et de sculpture', t. II, Paris, 1854, p. 81 Victor-Jules Vaillant, 'Deux peintres boulonnais: Baudren Yvart (1610-1690), Joseph Yvart (1649-1728)', Boulogne-sur-Mer, 1884, p.47-51 Eugène Muntz, "Le musée de l'ecole des Beaux-Arts", in 'Gazette des Beaux-Arts', juillet 1890, p. 287 André Fontaine, 'Les collections de l'Académie royale de peinture et de sculpture', Paris, 1910, p. 137 Michel Faré, 'Le Grand siècle de la nature morte en France', Fribourg-Paris, 1974, p. 242 'Les peintres du roi 1648-1793', cat. exp. Tours-Toulouse, 2000, p. 225, n° R.28 Jacqueline Lichtenstein et Christian Michel (dir.), 'Conférences de l'Académie royale de peinture et de sculpture. T. II, vol. 1, Les Conférences au temps de Guillet de Saint-Georges, 1682-1699', Paris, 2008, p. 148, 154, 206 et 417 Commentaire : La chance de pouvoir faire, années après années, de singulières et passionnantes découvertes est l'une des plus belles récompenses de notre métier. Le nom de Baudrin Yvart n'est certes pas le premier qui nous soit venu en tête lorsque nous avons vu pour la première fois la grande allégorie que nous présentons. Le format de cette toile et surtout son sujet ne laissaient cependant guère de doutes quant à son origine et une recherche parmi la liste des morceaux de réception à l'Académie royale de peinture et de sculpture nous permit de retrouver la mention de " La Sculpture travaillant au portrait de Louis XIV ", présentée par Baudrin Yvart devant la compagnie. Une description plus précise par Guérin en 1715, indiquant les dimensions du tableau toujours accroché dans l'une des salles de l'Académie (fig. 1) et détaillant un peu mieux la composition, acheva de nous convaincre que nous avions sous les yeux le tableau livré par le collaborateur de Le Brun en 1666, et sans doute la seule composition autonome de cette ambition qui puisse lui être pleinement rendue. La production de Baudrin Yvart est en effet indissociable de celle du peintre le plus important du règne de Louis XIV, Charles Le Brun, dont il fut le " bras droit " dès Vaux-le-Vicomte. Tout au long de la carrière de Le Brun, au fil de ses chantiers de décoration, de ses responsabilités et des échelons successivement atteints, le nom de de Baudrin Yvart apparaît sur les documents d'archives, jalon précieux et constant de ses succès. Yvart semble avoir suffisamment apprécié cette collaboration avec le Premier Peintre pour ne pas rechercher la réussite individuelle - il mettra trois ans à livrer son morceau de réception - raison pour laquelle son nom est peu à peu tombé dans l'oubli. Ce tableau fera l'objet d'une conférence de Guillet de Saint-Georges en 1686, dont le manuscrit a malheureusement disparu1, et restera exposé à l'Académie jusqu'à la Révolution où sa trace, comme celle de nombreux autres tableaux, se perd. Il n'apparaît pas dans l'inventaire de l'an II² et nous n'avons pu retracer sa destinée depuis, le nom de son auteur ayant sans doute assez rapidement été oublié. Pour faire face à ses multiples responsabilités, des décors de Versailles à la manufacture des Gobelins, Charles Le Brun se devait d'être entouré de talentueux collaborateurs et de les faire intervenir dans les domaines dans lesquels ils étaient le plus habiles. En ce qui concerne Baudrin Yvart, il participa notamment à la réalisation de nombreux cartons de tapisserie, à Maincy comme aux Gobelins, et les archives le mentionnent régulièrement comme celui qui peignait à l'échelle des tapisseries des compositions ambitieuses, d'après les dessins de Le Brun ou d'après les maîtres, et qui était en charge des " grandes figures " lorsqu'une collaboration entre différents peintres spécialisés était en cours. La Sculpture travaillant au buste de Louis XIV s'inscrit pleinement dans le contexte particulièrement fécond pour les arts des premières décennies du règne personnel du Roi Soleil. Comme Baudrin Yvart, de nombreux peintres et sculpteurs se virent dicter pour leurs morceaux de réception des sujets allégoriques, relevant du genre supérieur de la peinture d'histoire, à la gloire du souverain, en écho à la politique des arts qui se mettait alors progressivement en place - ces œuvres étant en outre destinées à être bien en vue sur les murs de l'institution où était formée la future génération d'artistes. La réalisation de Baudrin Yvart satisfait à tous les critères du genre : assise au pied d'une colonne et mise en scène par un épais rideau vert, la puissante figure féminine personnifiant la Sculpture, drapée à l'antique, tient dans ses mains les instruments de son art avec lesquels elle a fait surgir du marbre le buste de Louis XIV vêtu en empereur romain et coiffé d'une couronne de lauriers. Pour compléter cette glorification du roi, la figure d'un dieu de l'Olympe, probablement Apollon tenant son arc, se distingue sur le bas-relief du socle sur lequel est posé le buste. Une tête du philosophe Sénèque, symbolisant la sagesse antique, est également visible au pied de la sculptrice. Chacune des références à l'antiquité classique était immédiatement compréhensible pour le spectateur du XVIIe siècle et le tableau de Baudrin Yvart fait écho aux nombreuses allégories à la gloire de Louis XIV qui peuplaient les grands décors. Quelques années après sa réception à l'Académie débutera le chantier des décors du château de Versailles. Parmi les compositions qui ornaient le plafond de l'escalier des Ambassadeurs, réalisé entre 1674 et 1679 et détruit en 1752, quatre allégories peintes en bas-reliefs de bronze doré feint - la Poésie, la Peinture, l'Histoire et la Sculpture - venaient s'intercaler entre des tableaux représentant les actions du roi. Les cartons aujourd'hui conservés au département des Arts graphiques du Louvre3 et les gravures conservent le témoignage de ce que fut ce décor. La grande proximité entre l'allégorie de la Sculpture de l'escalier des Ambassadeurs (fig. 2) et notre morceau de réception témoigne de la fortune de la composition de Baudrin Yvart et de sa possible contribution à ce décor. Il est à espérer que la redécouverte de son morceau de réception permettra de mieux connaitre et de remettre à l'honneur la production de cet important acteur de la politique artistique du Roi Soleil. 1. Voir J. Lichtenstein et C. Michel (dir.), Conférences de l'Académie royale de peinture et de sculpture. T. II, vol. 1, Les Conférences au temps de Guillet de Saint-Georges, 1682-1699, Paris, 2008, p. 148 2. A. Fontaine, Les collections de l'Académie royale de peinture et de sculpture, Paris, 1910, p. 137 3. Inv. 29890, 29894, 29898 et 29942 Estimation 80 000 - 120 000 €