Lot 88: NOUVEAU, GERMAIN

NOUVEAU, GERMAIN LETTRE À ERNEST DELAHAYE. MARSEILLE, 30 AOÛT 1893 Lettre autographe signée Nouveau, 4 pp. in-8 sur papier quadrillé avec dessins.

Lettre autographe inédite : elle est illustrée de onze dessins originaux à la plume.
Après Londres, Paris, Bruxelles et l'Italie, d'où il fut expulsé pour mendicité, on perd la trace du poète errant pendant un an, pour le retrouver à Marseille en 1893. Le 8 septembre 1893, il a adressé une lettre au ministre de l'Instruction publique en vue d'obtenir un poste de professeur de dessin à Alger ou aux colonies, en donnant pour motif qu'il souffrait de rhumatismes articulaires. La requête ne fut pas agréée. Germain Nouveau embarquera quand même à Marseille pour l'Algérie : «la pauvreté, cette vertu du chrétien (...) est punie de la prison, en Europe» explique-t-il à sa soeur.
Dans cette lettre adressée une semaine plus tôt, le 30 août 1893, à son ami Ernest Delahaye, les dessins humoristiques cherchent à conjurer «le mal anglais par excellence», et la crainte «de perdre une situation de professeur de dessin».

«Marseille 30 août 1893
[Portrait de Delahaye, une lettre en mains, déclarant :] qu'est-ce qui [sic] me veut encore ce type là ?

Mon cher Delahaye,
J'ai reçu presque en même temps «at once» [note en bas de page : j'avais employé à tort cette expression qui a d'ailleurs plusieurs sens] ton aimable lettre et l'avis de Mr Leroy et ces jours-ci le mandat.
Je ne t'en remercie pas moins au cas où le dimanche ait été inutile, de toutes façons, je t'en remercie bien chaleureusement.

[Dessin : autoportrait disant :] I am sorry d'apprendre que tu as des rhumatismes. Moi aussi. Moi c'est dans les doigts. Je crains d'y perdre une situation de professeur de dessin, si cela s'aggravait. Je suis en train de prendre mes précautions.
J'ai fait bien des remèdes, notamment [dessin d'une bouteille sur laquelle on peut lire : frictions] les bains de vapeur [dessin d'un homme dans un nuage de vapeur].
Mais je remarque que, couvert d'eau sur les membres bien portants [sic] mon avant bras et mes mains restaient sèches comme des mains de bois [dessin d'une main en bois].
Le changement d'air m'a fait quelque bien puis ça m'a repris.
J'ai pris du colchique ou cholchique, enfin c'est toujours le même col [trois dessins, dont un col de cravate et un avec légende : compte-gouttes].
Ça m'a soulagé (très chic, ce chiquol) puis ça m'a repris. Je crois qu'il faut se résigner à vivre avec cet ennemi. Consolons-nous en pensant que c'est le mal anglais par excellence !
[dessin représentant un homme à un bureau avec mention Ambassade en tête et deux hommes face à lui, un autoportrait et un portrait de Delahaye].
Delahaye et Nouveau touchant de l'Angleterre 36'000 livres sterling pour la propagation du rhumatisme en France.
[Dessin d'un livre ouvert sur lequel on peut lire : livre de médecine page 59. Le rhumatisantisant [sic] doit éviter de boire, de manger, de fumer, etc. moyennant quoi il se portera très-bien etc...]
[Dessin montrant Delahaye à table un verre dans une main et une fourchette dans l'autre, disant : Oh ! Les livres de médecine !].
Si tu n'étais pas si pris par la famille, je te dirai de demander un congé pour venir te refaire un peu aux cheminées du Midi (juste) c'est-à-dire, d'après le langage d'ici aux endroits où le soleil tape, le long des murs. Nous ......... [Quelques mots manquent] réconforter un peu, beaucoup de mal des autres maladies.
Mais la famille et les affaires sérieuses avant tout.
Crois cependant que je le regrette beaucoup et que je suis,
ton toujours tout dévoué
Nouveau.
59, rue des Gds Carmes
Marseille.»

La lettre n'est pas répertoriée dans la correspondance publiée dans la Pléiade.
Elle a été grossièrement restaurée avec du papier collant sur la première et la quatrième page. Quelques mots ont été effacés à la pliure sur la quatrième page.
Sur les relations entre Germain Nouveau et Ernest Delahaye, voir nº 91 du catalogue.