Description
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RÉGULATEUR AUX TROIS PARQUES
Attribué à André-Charles BOULLE (1642-1732)
Ebéniste, Sculpteur et Ciseleur du Roi de 1672 à 1732
Paris, époque Louis XIV, vers 1690
Bâti de chêne, marqueterie d’écaille colorée rouge, d’étain et de laiton
placage d’ébène, filets d’étain, bronzes dorés, glace, émail et métal
Inscriptions et marques : 244 à l’encre inscrit sur une étiquette circulaire de papier collée à l’intérieur de la boîte
H. 212,5 cm, L. 45 cm, P. 20,5 cm
Le régulateur, d’une forme étroite et élancée, présente trois parties marquetées en
« contrepartie » d’écaille teintée rouge et de laiton sur fond d’étain à décor de fleurons, volutes feuillagées et acanthes.
Une base à doucine pose sur une plinthe à ressaut et est enrichie sur sa façade d’un large motif de lambrequin en bronze ciselé et doré. Le corps intermédiaire du régulateur, de forme violonée à enroulements et arêtes, présente un riche décor en façade de bronzes dorés : masque de femme nimbée de fleurons en partie haute, masque d’homme barbu et palmettes en volutes en partie basse. Au centre, une ouverture circulaire, vitrée et cerclée d’un large bandeau de bronze permet d’apercevoir le mouvement du balancier.
En partie supérieure est posée une pendule à « boîte » rectangulaire cintrée à trois faces vitrées et flanquée de petits pots-à-feu en bronze doré. La façade, soulignée d’une large bordure de bronze ouvre sur un cadran circulaire en cuivre doré à motifs de masques de grotesques, de volutes feuillagées et de fleurons. Des cartouches en émail blanc indiquent les heures en chiffres romains et les minutes en chiffres arabes. Un petit cadran secondaire émaillé blanc empiétant sur les heures XI, XII et I, indique les secondes. Un trophée de musique flanqué de branches feuillagées et un imposant bas-relief aux Trois Parques complète son ornementation.
Parallèlement à ses créations d’ébénisterie « classiques » composées essentiellement de commodes, de bureaux, d’armoires, de bas d’armoires et de bibliothèques, Boulle conçut d’extraordinaires modèles de pendules et de régulateurs, ces derniers généralement décrits au XVIIIe siècle sous les termes de « pendules sur gaine », « pendules de parquet » ou encore « horloges de parquets ».
Ses plus anciens modèles datent des années 1675 et présentaient une pendule droite plus « archaïque », à pilastres ou colonnettes d’angle détachées, et partie supérieure en forme de dôme à terrasse, le tout supporté par des gaines sans tablier. Ce dernier élément apparaît dans les années 1685. Notre modèle plus élaboré à pendule curviligne à doucine et plinthes à ressaut peut être daté vers 1690. Outre la marqueterie et les bronzes caractéristiques de l’OEuvre de Boulle, la gaine à tablier sur laquelle repose notre régulateur constitue également une référence directe à sa production, évoquant notamment les quatre gaines à tablier illustrant la première planche de son célèbre recueil intitulé Nouveaux Desseins de Meubles et Ouvrages de Bronze et de Marqueterie, inventés et gravés par André Charles Boulle, que publia Mariette à Paris, vers 1710-1720.
Légèrement évasée vers le bas, et ornée en façade d’un luxuriant décor marqueté à fond d’étain centré sur un vase flammé en laiton gravé, la gaine enferme un baromètre, dont le cadran en arc de cercle et à enroulements orne le tablier, formant, à notre connaissance, le seul exemple répertorié de régulateur de Boulle à tablier et à baromètre. Les petits côtés, ainsi que la plinthe en ressaut sur laquelle repose celui-ci, sont à compartiments plaqués en ébène et bordés de filets en étain. Une « Pendule de Boule, garnie de bronze doré d’or moulu, montée sur sa gaîne de Boule, garnie de bronze en couleur, le mouvement sonnant l’heure, la demie & les quarts, avec un baromêtre indépendant du mouvement » fit partie de la collection du peintre et marchand d’art Pierre Le Brun ou Lebrun (vers 1700-1771), vendue à Paris sous la direction de Merigot, le 19 juin 1764 et jours suivants, formant le lot n° 104 de la vente
Il s’agit là du seul exemple que nous avons pu répertorier de « pendule sur gaine » de Boulle mentionnée avec un baromètre indépendant dans les différents catalogues de vente du XVIIIe siècle à Paris, nous permettant d’émettre l’hypothèse qu’il pourrait s’agir ici de notre régulateur.
Un régulateur « en première partie » similaire au nôtre mais sans baromètre, orné des armes de Ralph (1638-1709), 1er duc de Montagu, appartient aux collections du duc de Buccleuch et de Queensberry à Boughton House, le « Versailles anglais » situé dans le Northamptonshire, en Angleterre. À l’exception d’une figure du Temps en ronde-bosse couronnant l’ensemble, d’un décor marqueté différent ornant sa gaine, et d’un mouvement plus tardif signé par William Allan, ce régulateur présente un même décor marqueté et de bronzes, ainsi que le même bas-relief montrant
les Trois Parques soulignant le cadran, que les nôtres . Parmi les régulateurs présentant une partie médiane à décor d’oiseau et une gaine à tablier similaires aux nôtres, figure celui, sans bronzes d’ornements et au mouvement signé par Pierre Duchesne, aujourd’hui conservé à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts à Paris. Livré pour Louis XIV, il a été inventorié après la mort du Roi en 1718 : « N° 18 Une pendule de dix huit pouces de haut, marquant les secondes, faite par du Chêne, les cadrans sont de cuivre doré sur velours noir. La boëte de marqueterie de
cuivre et d’etain sur fond écaille, ayant chaque coin une colonne de même marqueterie d’orde corynthien dont les bazes et chapiteaux sont de cuivre doré ; le haut est formé et terminé par un dôme. La pendule, portée sur un scabellon aussi de ladite marqueterie, de cinq pieds un pouce de haut » . Un autre régulateur, également sans bronze d’ornement, couronné d’un groupe en bronze doré montrant une jeune fille assise sur le dos d’une chèvre et la nourrissant, au cadran soutenu par la figure du Temps et accompagné de la mention «Solem Audet Dicere Falsum» (Elle ose convaincre le soleil d’erreur) est conservé à Los Angeles, au sein du J. Paul
Getty Museum. Son mouvement est signé par Antoine Gaudron (maître
en 1675).
Une partie très importante de l’activité de Boulle fut dédiée à la fabrication de boîte d’horloges, de régulateurs, de cartels, et pendules d’applique ou à poser associant la marqueterie de laiton, d’écaille et d’étain aux ornements de bronze très finement ciselés. Les pendules représentaient près du tiers de la production de l’atelier. L’acte de délaissement de 1715, selon lequel Boulle, fit donation de son affaire et de tous ses biens à ses quatre fils, décompte soixante-trois pendules sur un total d’environ trois cents pièces.
Les principaux horlogers parisiens qui commandèrent des boîtes de pendule à Boulle étaient pensionnaires, comme lui, des galeries du Louvre par privilège royal : Isaac Thuret et son fils Jacques, Balthazar Martinot, Horloger ordinaire du Roi, Henri Martinot, Valet de Chambre Ordinaire du Roi, Antoine et Pierre Gaudron, Nicolas Gribelin, horloger de Monseigneur, Louis Mynuel, Marchand horloger privilégié du Roi ou François Rabby, Horloger de la Duchesse d’Orléans. Tous les noms de ces
horlogers apparaissent régulièrement dans les inventaires des prestigieux personnages qui composaient la clientèle de Boulle.
180 000 - 250 000€