Lot 72: Statue Féminineîle de Pâques

Descriptif : Maoai papa , le personnage au buste large et plat adoptant une pose classique : un bras replié sur l?abdomen, la main au pouce relevé posée sous le c?ur, l?autre parallèle au corps, la main aux doigts effilés frôlant le sexe. Le long visage stylisé est dominé par les épaisses arcades sourcilières se rejoignant à la naissance du haut nez busqué, la face encadrée par les oreilles étirées, l?expression marquée par les grands yeux ouverts à la pupille percée - à l?origine sertie d?une rondelle d?obsidienne cerclée d?un fragment d?os ? et la bouche close, aux lèvres fines. Le crâne - lisse - porte à l?arrière, inscrit à l?encre blanche, le numéro d?inventaire : D.35 - 18-1. Bois dur (probablement de toromiro ) à patine nuancée, brun rouge. Un large trou a été percé par un fer chauffé sur la hanche gauche. Dimensions : haut. 58 cm.

Cartier-Bresson, André Breton, roi soleil, 1995, photographie originale, tirage argentique collé, signé au crayon.
Présente sur plusieurs portraits d?André Breton par Cartier Bresson, vers 1960 : Dans l?atelier, André Breton rue Fontaine (cf. André Breton, 42, rue Fontaine, catalogue de la vente).

Pierre Loti (1850 ? 1923), Paris Etude Lair-Dubreuil, Paris, 30 janvier 1929, lot n° 189.
André Breton (1896 -1966), Paris Etude Calmels Cohen, Paris, 17 avril 2003, André Breton, 42, rue Fontaine, lot n° 6145.

De toute évidence, Pierre Loti acquit cette statue lors de son passage sur l?île de Pâques, en janvier 1872. Il écrit dans son journal, à la date du 4 janvier 1872 : «Les objets que je me suis procurés excitent l?admiration du commandant de Lamotte, qui n?a rien trouvé de pareil ; il me prie (?) de lui procurer une idole comme la mienne. (?) Mes bonhommes de bois sont très admirés ; le fait est qu?ils sont curieux et je les crois antiques, très supérieurs du reste à tout ce que les autres officiers se sont procurés dans ce genre » (Journal de Pierre Loti, 2006 : pp. 96 et 98).

André Breton eut durant toute sa vie une prédilection pour l?île de Pâques. Il acheta cette statue lors de la vente Pierre Loti, en janvier 1929. Peu de temps après, il fut contraint de vendre à René Gaffé, vers 1930, son exceptionnelle statue moai kavakava (vente de la Collection René Gaffé, Paris, 2001, lot n° 9), et celle aujourd?hui conservée au musée du quai Branly dont il écrivit « un fétiche de l?île de Pâques, qui est le premier objet sauvage que j?ai possédé, lui disait [à Nadja] : je t?aime, je t?aime » (La Beauté convulsive, année : 1926).
Il conserva précieusement la statue présentée ici, qui figure sur les nombreux portraits réalisés par Cartier-Bresson, de Breton dans son atelier et son appartement du 42, rue Fontaine.
La fascination qu?a exercée la statuaire de l?île de Pâques sur les Surréalistes repose en partie sur le mystère qui l?entoure.
Déjà en 1892, Pierre Loti soulignait « l?ancienne population autrefois nombreuse, a été décimée (?) il ne reste plus que trois cents ou quatre cents indigènes » (p. 92).
Selon Bounoure : « La déportation, en 1862, par les négriers péruviens, d?une part importante de la population pascuane, la fuite en 1871 des missionnaires en compagnie de bon nombre de leurs ouailles, les enlèvements de main-d?oeuvre à destination des plantations tahitiennes expliquent tout autant que les conversions au christianisme l?ignorance des derniers habitants lorsqu?ils furent interrogés au cours des expéditions scientifiques du XXe siècle » (Bounoure, V, Visions d?Océanie, Dapper, 1992, p. 67).
Ainsi, tout autant que les fameux colosses en pierre sculptés par la première vague d?immigrants à partir des années 400, la signification et l?usage des statues en bois demeurent énigmatiques. La statuaire anthropomorphe en bois de l?île de Pâques est formée de trois types de sculptures, dont celui-ci, nommé moai papa. Il est considéré comme la contrepartie féminine du moai kavakava, représentation des ancêtres déifiés ou akuaku, « pourvoyeurs de la connaissance et diffuseurs du savoir et des techniques ». (A. Meyer, L?art Océanien : 1995, pp. 581-585). Le numéro de dépôt inscrit à l?arrière du crâne indique que cette statue a été étudiée au Musée ethnographique du Trocadéro, au moment de l?Exposition, Île de Pâques, organisée en 1935 par Alfred Metraux et Henry Lavachery, où elle a peut-être été exposée, comme les trois sculptures de l?Île de Pâques de la collection René Gaffé.