Description
RÉGULATEUR DE PARQUET D'ÉPOQUE LOUIS XV Attribué à Charles Cressent (1685-1768)
En placage de bois de rose et bois de violette, ornementation de bronze ciselé et doré, le cadran et le mouvement signés "Charost AParis" ; petits accidents et manques au placage ; la plinthe d'époque postérieure
H. : 234 cm (92 in.)
l. : 64 cm (25 1/4 in.)
Jean Charost (1703-1787). Issu d'une famille d'horlogers parisiens, il fut reçu maître horloger en 1737 et s'installa rue Mazarine où il est cité dès 1743 et où il travailla avec son frère Jacques. Il s'installa ensuite rue Sainte Marguerite (1772-1778) et termina sa vie rue du Four où il est signalé dès 1781. Il utilisa des caisses de J.P. Latz et Bernard II Van Risamburgh.
Provenance :
(Peut-être) vente de M. de Selle, trésorier Général de la Marine, le 19 février 1761, n°152.
Collection d'Armaillé, vente Paris, galerie Sedelmeyer les 5-6 juin 1890, n°145.
Collection Boucheron vers 1900.
Collection d'un amateur.
Exposition :
Exposition "L'Art Français des Origines à 1800", Exposition Universelle de Paris, 1900. Catalogue, n°196 (illustré), alors dans la collection de M. Boucheron.
Bibliographie :
E. Molinier, "Histoire Générale des Arts Appliqués à l'Industrie du Ve à la fin du XVIIIe siècle", Paris, sd. (1898), vol. III : "Le Mobilier au XVIIe et au XVIIIe siècle", p.105, 107 (reproduit).
A. Pradère, "Charles Cressent, Sculpteur, Ebéniste du Régent", Dijon, 2003, p. 194, 305, cat. 268.
A Louis XV ormolu-mounted, tulipwood and kingwood long case clock, the dial and the movement signed by Jean Charost, the case attributed to Charles Cressent (1685-1768)
Ce régulateur peut être rattaché pour des raisons stylistiques à l'œuvre de Cressent. Outre les lignes proches de celles des régulateurs connus de l'ébéniste du Régent, on remarque sur le sommet un rare motif en bronze représentant un soleil émergeant du chaos, motif qui orne au moins trois régulateurs de Cressent (catalogue raisonné, n°261-262-263). De plus, le cartouche rocaille au centre joue le même rôle stylistique que le motif des enfants soufflant (les vents) trouvé sur la plupart des régulateurs de Cressent, dont il semble être une version rocaille.
Molinier est le premier historien d'art à avoir, en 1898, attribué
ce régulateur à Cressent, en l'illustrant dans son chapitre consacré à l'ébéniste et le rapprochant du régulateur signé Charost qui figura dans la vente d'un grand client de Cressent, le trésorier général de la Marine,
M. de Selle. Ce dernier avait réuni un important groupe de meubles de Cressent, sans doute le plus important de son temps : outre la paire d'armoires aujourd'hui au Louvre, le médaillier du modèle de ceux de la collection Gulbenkian, la commode de la collection Wallace (aujourd'hui ré-attribuée à Gaudreaus), un bureau avec cartonnier, il possédait un premier régulateur de Berthoud correspondant à celui des collections royales anglaises, ainsi qu'un second régulateur, par Charost : "152. Une autre belle & bonne pendule à secondes & à cercle d'équation, faite par Charost, artiste célèbre dans l'horlogerie, & qui possède parfaitement la partie de l'exécution. La boîte de cette pièce est de bois satinée garnie de bronze doré d'or moulu, dans le même goût & composée comme celle du numéro précédent… [adjugée] 1350 livres".
(La même pendule correspond peut-être à celle passée dans la vente Dutartre le 18 mars 1804 : "74. Une ancienne et bonne pendule, du nom de Charost à Paris, renfermée dans une boîte plaquée en bois des Indes, et garnie de fontes dorées. Cette excellente pièce marque les heures, minutes, bat les secondes, indique les phases de la lune, jours et quantième du mois. Hauteur totale 84p [2m25]").
La mention de 'bois satiné' dans le catalogue de Selle différant du placage de bois de violette observé sur le régulateur présenté ici, empêche toutefois de conclure à une identification formelle.
En revanche, le régulateur se reconnaît bien dans la vente du comte d'Armaillé les 5-6 juin 1890, où il était déjà attribué à Cressent par l'expert de la vente, Charles Mannheim : "145. Magnifique régulateur à gaine, de forme contournée, du temps de la Régence, en marqueterie de bois rose et de bois satiné, enrichi de nombreuses appliques de bronze admirablement ciselées et dorées à l'or moulu. Ces appliques sont formées de capricieux motifs, très mouvementés et d'une composition pleine d'originalité.
Ce sont des feuillages recourbés, des cordons de perles, des rocailles, des roses, des algues, des oves, des nuages, groupés et reliés avec un goût exquis. Cette pièce, de tout premier ordre, a été exécutée par Cressent, ébéniste du Régent. Elle provient de la collection du Régent ; Le mouvement, de Charost à Paris, donne le temps vrai et moyen, le quantième perpétuel. Haut. 2m35".
On ne peut, bien sûr, accorder crédit à la provenance du Régent, ce régulateur datant vraisemblablement des années 1736 (date de l'invention du système d'équation du temps)-1740, et étant plus proche stylistiquement des œuvres tardives de Cressent plutôt que celles de la Régence ou des années 1730. Deux autres régulateurs analogues sont connus, de forme et de bronzes identiques (à l'exception du motif du sommet) : l'un en marqueterie de croisillons de bois satiné, avec cadran de Julien Le Roy (vente Paris le 2 décembre 1912 lot 235, puis le 10 décembre 1948 lot 68bis) ; le second à Lisbonne, Musée Gulbenkian, non marqué mais orné d'une marqueterie de fleurs attribuable à BVRB.
Le comte Louis Albert de la Forest d'Armaillé (1823-1882) est une des grandes figures du monde de la curiosité dans la seconde moitié du XIXe siècle. Il rassembla une des plus intéressantes collections de meubles et d'objets d'art du XIXe siècle, partageant sa passion avec Richard Wallace dont il était un intime. D'origine angevine, il était au départ plutôt fait, aux dires de sa famille, pour une vie de hobereau campagnard. Vocation contrariée lorsqu'il épousa la fille du général de Ségur, qui refusa net de vivre à la campagne. Le couple s'installa dans le grand hôtel des Ségur, 58 rue de la Boètie, où Armaillé pour occuper son temps s'intéressa aux arts. Avec un sens artistique très sûr et reconnu (il fut nommé membre du conseil supérieur des Beaux-Arts), il se mit à collectionner activement, achetant et revendant constamment, s'entourant d'artistes, d'artisans et amateurs d'art.
Sa petite fille, la comtesse de Pange évoque bien dans ses souvenirs (Comment j'ai vu 1900, Paris, Grasset, 1968, p.19) ce milieu de grands collectionneurs des années 1850-80 :
"Proust a décrit dans Du côté de chez Swann le milieu qu'on appelait alors "la curiosité" et Swann lui même : M. Haas fut lié avec Louis d'Armaillé. De ses fréquents séjours en Angleterre devait naître une grande intimité avec sir Richard Wallace. J'ai conservé de très intéressantes lettres datées de Sudbourne chez les Wallace, où il décrit la somptueuse vie de château de l'époque victorienne, les séjours du prince de Galles, les chasses, les chevaux et les mille manières de perdre son temps. Louis d'Armaillé fut l'ami de Paul Dubois, de Falguière, de Bonnat, de Rosa Bonheur. L'intimité avec Richard Wallace lui valait l'estime des conservateurs de musée et tous les antiquaires se vantaient d'alimenter la collection dont j'ai tant entendu parler dans mon enfance. Ce goût des vieux meubles, de la brocante, de la "curiosité" poussé à l'extrême a été l'attitude de refus d'une élite décidée à nier désormais toute puissance créatrice".
Nous remercions Monsieur Alexandre Pradère pour ces renseignements.
Commentaire : * Ce spécimen réalisé dans des parties et fragments de bois de violette (Fabaceae Dalbergia cearensis) et bois de rose (Fabaceae Dalbergia decipularis) est bien antiérieur au 1er juin 1947. Il est classé à l'Annexe II au titre de la Convention de Washington, à l'Annexe B du Règlement Communautaire Européen 338/97 du 09/12/1996, ainsi qu'au Code de l'environnement français.
* En revanche, pour une sortie de l'UE, un CITES de ré-export sera nécessaire, celui-ci étant à la charge du futur acquéreur.
Estimation 30 000 - 50 000 €